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LE LENDEMAIN D’AGADIR

d’une transaction où nous avions apporté notre large part de sacrifices. Au lieu de nous savoir gré de nos concessions, on nous reprochait avec amertume de n’avoir pas donné davantage.

Au Maroc même, les nationaux allemands multipliaient contre nous les intrigues. Les grands colons surtout, les frères Mannesmann, Karl Ficke, nous tendaient chaque jour de nouveaux pièges. Ils avaient assez d’autorité sur leur gouvernement pour lui suggérer, sans cesse, des réclamations importunes et injustifiées[1]. Combien de fois, dans cette année 1912, si inquiète et si trouble, ai-je vu arriver dans mon cabinet la figure joviale et bon enfant du baron de Schœn ou la figure hypocrite et mauvaise de M. de Lanken ! Du haut des tapisseries, la Marie de Médicis de Rubens les regardait sans complaisance, avec un majestueux étonnement. Ils m’exposaient les doléances de leurs compatriotes, j’écoutais patiemment leurs explications et je cherchais de mon mieux des solutions amiables.

Je dois dire que M. de Schœn, personnellement, m’aidait à les trouver. Ni dans l’affaire marocaine, ni plus tard, dans la crise balkanique, je n’ai eu à me plaindre de mes rapports avec lui. Il était très courtois, même affable, et s’efforçait d’être conciliant, dans toute la mesure où le lui permettaient ses instructions. II a bien voulu reconnaître dans ses mémoires, ce qu’il avait déjà déclaré au ministre de Belgique, le baron Guillaume, au moment de mon élection à la présidence de la

  1. La Politique marocaine de l’Allemagne, par M. Louis Maurice (M. Louis-M. Bompard, ambassadeur de France, sénateur de la Moselle). (Plon-Nourrit.)