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LA COMMISSION DU SÉNAT

Selves étaient de nouveau entendus par la commission. M. de Selves venait de lire une note qui retraçait la suite des événements depuis l’apparition du Panther en rade d’Agadir. Il nous avait remis un certain nombre de documents, dont je comptais faire usage dans mon rapport, si, comme il était vraisemblable, mon mandat devenait définitif. Le ministre des Affaires étrangères ayant achevé sa lecture, M. Léon Bourgeois, président, demanda aux commissaires si quelqu’un d’entre eux désirait poser des questions au gouvernement. « Serait-il possible, interrogea M. Stephen Pichon, de savoir comment et pourquoi a été abandonné le projet de consortium de la N’Goko Sangha ? Et de même, comment et pourquoi ont été engagés, puis interrompus, les pourparlers relatifs au chemin de fer du Cameroun-Congo ? »

À cette double interrogation, qui évoquait les plus vives querelles parlementaires des années précédentes, ce fut le président du Conseil qui répondit. Il s’exprima avec un sang-froid qui, pour être fait de passion contenue, n’imposa que davantage aux membres de la Commission. La lucidité de ses observations satisfit les esprits les plus exigeants. Il rappela, en une forme nerveuse et ramassée, les pourparlers officiels des derniers mois. Il fut écouté avec une attention déférente, et, lorsqu’il se tut, la plupart des sénateurs présents étaient, semblait-il, convaincus que, depuis l’acte d’Algésiras, nous nous étions débattus, dans les affaires marocaines, au milieu de difficultés continuelles, que nous n’avions pas toujours été sans commettre des erreurs, qu’après avoir traité avec l’Angleterre et avec l’Espagne, après avoir signé l’acte d’Algésiras, nous avions commencé