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LE LENDEMAIN D’AGADIR

brillant second. Vainement la Russie a-t-elle protesté. Après une démarche comminatoire du comte de Pourtalès, ambassadeur d’Allemagne, elle est forcée de se résigner aux conséquences du coup de force autrichien. Nous-mêmes, dans l’affaire marocaine, nous signons avec l’Allemagne, par esprit de conciliation, le protocole du 8 février 1909. L’Allemagne n’y dit plus qu’elle n’a pas d’intérêts dans l’empire chérifien ; mais elle convient qu’elle n’y a que des intérêts économiques et elle reconnaît que le voisinage de l’Algérie y crée pour nous des intérêts politiques particuliers. Nous nous engageons à ne rien faire qui puisse nuire à ses commerçants et à ses industriels. Nous allons plus loin. Nous lui promettons de chercher à associer nos nationaux et les siens dans les entreprises marocaines. Vains efforts. Ni les Mannesmann, ni Karl Ficke ne ralentissent leurs brigues, ni auprès de Moulay Hafid et du Maghzen, ni auprès des indigènes. Des tribus se révoltent contre le sultan et viennent, jusque devant Fez, défier les Européens. Le gouvernement de M. Monis, jugeant qu’en vertu des conventions internationales elles-mêmes, la France est responsable de l’ordre au Maroc, prescrit au général Moinier d’occuper la capitale et d’y protéger habitants et colons. Le cabinet de Paris prévient courtoisement celui de Berlin. Le chancelier, M. de Bethmann-Hollweg, ne proteste pas contre l’expédition, mais, en termes voilés, il donne à entendre à M. Jules Cambon que, si l’Allemagne ne peut rien réclamer au Maroc, elle compte bien obtenir ailleurs une compensation. Nous acceptons la conversation. Quelques jours après, M. Jules Cambon se trouve aux eaux de Kissingen, avec le ministre allemand des Affaires