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M. DE LANKEN

çais des Affaires étrangères. J’espère que la Chambre, dans sa prochaine interpellation, ne s’occupera plus de ces documents. Je vous affirme, d’ailleurs, que ces télégrammes ont été fort mal déchiffrés. Dans l’un d’eux, le dernier en date, on m’attribue des déclarations qui, pour les neuf dixièmes au moins, sont inexactes. Mais si on déchiffre nos télégrammes, comment ose-t-on l’avouer ? » M. Paléologue avait fait une de ces réponses ambiguës et sibyllines que la diplomatie inspire, dans les moments critiques, à ses fidèles serviteurs. Il avait déclaré qu’il n’existait au quai d’Orsay aucun service de déchiffrement et avait ajouté qu’il n’y avait pas au monde de cryptographe assez habile pour découvrir le secret d’un chiffre aussi compliqué que devait l’être le chiffre allemand. Le baron de Lanken, à qui il suffisait de nous avoir fait entendre son avertissement, feignit d’être convaincu et se retira.

En fait, il savait, depuis plusieurs mois, que les télégrammes avaient été déchiffrés, et même, aussitôt que l’ambassade avait été renseignée à cet endroit, elle avait changé son chiffre et, depuis lors, le ministère des Affaires étrangères ne pouvait plus rien lire. M. de Selves a expliqué depuis comment il avait communiqué les « verts » au président de la République et à M. Caillaux, et à eux seuls, le 28 juillet 1911, et comment, deux ou trois jours après, un propos imprudent de M. Pondère, avisé du contenu du télégramme par M. Caillaux, avait mis l’ambassade au courant du déchiffrement. La Chambre allait-elle se saisir de tous ces incidents passés, et rechercher si le récit des « verts. » était exact ou non, si l’ambassadeur d’Allemagne avait fidèlement rapporté le langage de M. Fondère, si