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LE LENDEMAIN D’AGADIR

sur les négociations. Je combattis sa motion, qui fut repoussée par 242 voix contre 15. Le soir, M. Maurice Paléologue, étant allé au Sénat pour y corriger mes épreuves, rencontra M. Stephen Pichon, qui veillait lui-même, filialement, sur la reproduction du discours de M. Clemenceau. M. Stephen Pichon confia à mon collaborateur ses inquiétudes sur la situation européenne : « Qu’on se prépare, dit-il. L’événement peut venir beaucoup plus vite qu’on n’imagine. Recommandez à M. Poincaré de convoquer les ministres de la Guerre et de la Marine avec les chefs d’état-major et vous. Qu’il songe aux responsabilités qui lui incombent ! Qu’il ne se laisse pas prendre au dépourvu ! » Telles étaient, dès le début de 1912, ou plus exactement depuis Agadir, les appréhensions des républicains les mieux renseignés.

Mais des interpellations déposées à la Chambre sous le ministère précédent menaçaient d’ouvrir bientôt devant l’Europe un débat rétrospectif, qui pouvait être nuisible aux intérêts de la France.

À chaque instant, j’étais obligé de parer à de dangereuses initiatives. C’est ainsi que le 28 janvier, M. Piou, député de la droite, m’avait écrit qu’il avait l’intention de demander la publication des accords franco-italiens relatifs au Maroc et à la Tripolitaine[1].

Le règlement de la Chambre ne me permettait point d’empêcher le dépôt de cette motion. Je me trouvais fort embarrassé. Quelle raison donner pour expliquer un refus ? Et d’autre part, comment publier l’accord tout entier, avec l’engagement

  1. Les accords et la longue dépêche que m’avait envoyée M. Barrère le 10 mars 1912 pour m’en exposer la genèse et les résultats ont été publiés en 1920 dans un Livre jaune.