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thèse française, la mauvaise humeur, loin de s’apaiser, parut augmenter. Tant il est vrai que l’arbitrage international, si recommandable soit-il, n’a pas toujours le pouvoir magique de refroidir les passions des peuples. Cette solution avait eu, du moins, l’avantage de satisfaire l’Afrique française et j’avais profité de ce répit pour en finir avec une longue interpellation qui visait l’ensemble des questions tunisiennes et qui se poursuivait, de vendredi en vendredi, devant une Chambre un peu lasse. M. Alapetite s’était expliqué avec succès sur sa gestion de résident général. J’avais montré, après lui, combien les événements de Tripolitaine agitaient les milieux musulmans et combien, à la veille d’établir notre protectorat au Maroc, nous devions avoir soin de maintenir, dans l’intérêt d’une action pacifiante, la continuité d’une politique africaine généreuse et libérale. La Chambre m’approuva, le 2 février, par 408 voix.

Les polémiques de presse que la guerre contre la Turquie continuait de provoquer en Italie, l’opiniâtre résistance de la Libye, le désir, tous les jours plus ardent, que le cabinet de Rome avait de porter ailleurs des coups à l’ennemi, nous exposaient sans cesse à froisser, dans l’exercice des devoirs de la neutralité, l’un ou l’autre belligérant. Nous faisions cependant, après l’incident des navires, tout ce qui était en notre pouvoir pour garder vivant l’esprit des accords de 1902, J’eus le regret de constater qu’au début, nos efforts n’étaient guère secondés.

M. Tittoni, qui est devenu, par la suite, un sincère ami de la France, et dont j’ai pu apprécier alors, mieux que personne, les hautes qualités, ne semblait pas comprendre, dans les premiers