Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
LE LENDEMAIN D’AGADIR

avait désigné, en outre, des diplomates de carrière ou d’accident, tels que MM. Decrais, de Courcel, Lozé, d’Estournelles de Constant, d’Aunay, et un petit nombre de profanes, dont j’étais. Dès le 23 décembre, cette commission avait, à l’unanimité, choisi comme président M. Léon Bourgeois et fixé, sur les propositions de M. Stephen Pichon, sa méthode de travail. L’émotion qu’avait éveillée en France le brusque envoi de la canonnière allemande Panther dans les eaux d’Agadir, les obscurités et les traverses des négociations, la publication inopinée de l’accord qui avait été signé, le 3 octobre 1904, avec l’Espagne et qui réduisait sensiblement le bénéfice de nos conventions avec l’Allemagne, les discours prononcés à la Chambre, dans une atmosphère de fièvre, par MM. de Mun, Jaurès, Charles Benoist, Abel Ferry, Millerand, Deschanel, l’abstention volontaire des députés de l’Est et les commentaires qu’ils en avaient donnés du haut de la tribune, le malaise du Parlement et le trouble croissant de l’opinion, tout imposait au Sénat l’obligation de se livrer sans retard à une étude impartiale des événements qui s’étaient, depuis une dizaine d’années, succédé en Afrique et avaient abouti, après une crise alarmante, aux arrangements du 4 novembre.

M. Joseph Caillaux, président du Conseil, et M. Justin de Selves, ministre des Affaires étrangères, s’étaient tous deux prêtés à ces recherches rétrospectives, et, dès les premières séances qu’avait tenues la Commission, ils lui avaient fourni des explications détaillées sur la politique marocaine suivie par la France depuis 1900, et notamment sur la tentative faite, le 8 février 1909,