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étant un paquebot postal, la convention de la Haye exigeait qu’on ne le visitât qu’avec ménagement et célérité. Pour le Manouba, j’expliquai que, la fraude ne se présumant point, les papiers des passagers turcs devaient faire foi jusqu’à preuve du contraire. « C’est, dis-je, à la France qu’il appartenait de vérifier, comme M. Tittoni me l’avait demandé, l’identité et la qualité des passagers. C’est encore à elle qu’incombe aujourd’hui ce devoir, et seule la remise entre nos mains des passagers turcs nous permettra de l’accomplir. J’ai pleine confiance que le gouvernement italien reconnaîtra, comme nous, la nécessité de donner à ces deux incidents une solution conforme à la justice et de les empêcher de se renouveler. Déjà le gouvernement royal a bien voulu nous fournir, à cet égard, une première assurance, dont je suis autorisé à faire état. Il a fait remarquer à notre chargé d’affaires que l’Italie ne pouvait pas renoncer, en faveur de la France exclusivement, à l’exercice du droit de visite, reconnu à tous les États belligérants. Mais il a ajouté, de lui-même, qu’il regrettait vivement que cette surveillance eût causé un préjudice à deux navires français et qu’il était tout disposé à examiner les questions juridiques et autres qu’avait pu soulever l’action du gouvernement royal… Toutefois le gouvernement italien a prié notre représentant de nous exposer les difficultés spéciales qui dérivent, pour lui, de la guerre en cours et les obligations qu’elle lui impose. Il a fait remarquer que l’Italie, ayant par déférence pour l’Europe renoncé à une action navale en Orient, était forcée de porter tous ses efforts sur la Tripolitaine et d’y entraver le trafic de la contrebande. »