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Arabes contre les Turcs. Les Arabes restèrent fidèles à l’Islam et, de Cyrénaïque, comme de Tripolitaine, ils accoururent en masse à la défense du croissant. Des officiers jeunes-turcs, élevés dans les écoles allemandes, trouvèrent moyen de les rejoindre. Alors commença une guerre larvée, plus onéreuse et plus meurtrière pour l’Italie que pour la Porte. Celle-ci cependant, embarrassée pour envoyer des renforts dans une province lointaine, eût accepté de reconnaître aux Italiens une autorité de fait, à la condition de garder, avec une souveraineté nominale, ses privilèges religieux. Mais, au commencement de novembre, le cabinet Giolitti, cédant à la pression populaire, avait tout à coup proclamé l’annexion de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, dont l’armée italienne, accrue tous les jours, ne tenait encore solidement qu’un petit nombre d’oasis[1]. Après avoir ainsi brûlé ses vaisseaux, l’Italie n’avait plus qu’à se battre. Elle se battit avec vaillance et opiniâtreté. Mais la victoire fuyait devant elle comme un mirage et peu à peu l’Europe s’alarmait. Le 22 octobre 1911[2], M. Sazonoff, ministre des Affaires étrangères de Russie, télégraphiait à son ambassadeur auprès du Quirinal : « Le chargé d’affaires allemand m’a communiqué la teneur d’un télégramme de l’ambassadeur d’Allemagne à Constantinople à Kiderlen, où le baron Marschall, probablement en plein accord avec Pallavicini, s’exprime avec beaucoup de pessimisme sur la situation intérieure de la Turquie et prédit qu’une guerre éclaterait inévitablement dans les Balkans,

  1. V. Auguste Gauvain, Revue de Paris, 15 décembre 1912, et l’Europe avant la guerre.
  2. Siebert, p. 497.