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LA COMMISSION DU SÉNAT

En Italie, notamment, la décision austro-hongroise eut un très fâcheux contre-coup.

L’Italie avait toujours observé avec un soin jaloux ce qui se passait dans la péninsule balkanique. Dès le 11 mars 1908, M. Tittoni, alors ministre des Affaires étrangères, avait annoncé à la Chambre son intention de construire une voie ferrée du Danube au littoral de la mer Adriatique. Lorsque l’annexion des deux provinces slaves par l’Autriche-Hongrie eut subitement lieu au mois d’octobre suivant, grandes furent dans la péninsule la déconvenue et l’irritation. Dans les rues de Rome, se produisirent des manifestations populaires, et M. Fortis se fit, en un discours indigné, l’interprète du sentiment public. Ni l’abandon du Sandjak de Novi-Bazar par la Maison de Habsbourg, ni la renonciation aux droits qu’elle tenait du traité de Berlin sur le Monténégro ne suffirent à calmer le mécontentement général. Pour importants qu’ils fussent, ces deux succès de la diplomatie italienne avaient paru médiocres à un peuple ardent et fier qui se considérait comme le gardien des grandes traditions latines. Puisque la côte orientale de l’Adriatique semblait, pour le moment, inaccessible, le cabinet de Rome s’était, de plus en plus, tourné vers l’Afrique, avec l’espoir d’offrir à l’opinion, par une conquête facile, une heureuse diversion.

Lorsque, aux mois d’août et de septembre 1911, l’Italie avertit les puissances de ses intentions, elle se présenta simplement comme décidée à récolter ce qu’elle avait semé. Elle ne rencontra nulle part d’objections prohibitives. Le Feld-Marschall Conrad von Hœtzendorff, ami de l’archiduc héritier Franz Ferdinand, aurait