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LA COMMISSION DU SÉNAT

Ainsi couverte du côté de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Autriche, l’Italie ne s’en était pas tenue là. Lorsque M. Barrère avait négocié, de 1900 à 1902, avec M. Visconti-Venosta, puis avec M. Prinetti, l’entente qui nous a garanti, en cas d’agression allemande, la neutralité italienne, les deux questions du Maroc et de la Tripolitaine s’étaient trouvées liées. L’Italie avait déclaré se désintéresser du Maroc et la France de la Tripolitaine[1].

Enfin, les 23-25 octobre 1909, à Racconigi, où s’étaient rencontrés le tsar et le roi d’Italie, était signé entre MM. Tittoni et Isvolsky un accord, dont le texte a été longtemps ignoré de la France et dont j’ai eu grand’peine à obtenir communication verbale en novembre 1912. La Russie et l’Italie déclaraient qu’elles devraient s’employer, en première ligne, au maintien du statu quo dans la péninsule des Balkans ; que cependant, le cas échéant, elles y favoriseraient, à l’exclusion de toute action étrangère, le développement des États balkaniques ; qu’elles s’opposeraient, par une action diplomatique commune, à toute politique contraire ; et elles ajoutaient qu’elles s’engageaient à considérer avec bienveillance « l’Italie les intérêts russes dans la question des détroits, la Russie les intérêts italiens en Tripolitaine et en Cyrénaïque[2] ».

Rome pouvait donc se croire assurée de la bienveillance universelle, le jour où elle se déciderait à agir. Cependant, aux premières difficultés que ses armées avaient rencontrées sur la côte afri-

  1. Livre jaune. Les accords franco-italiens de 1900-1902 (1920).
  2. V. Livre noir. Je reviendrai sur cette question à propos de la guerre balkanique.