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LE LENDEMAIN D’AGADIR

donné que la vacance devait être immédiatement comblée, M. Caillaux n’a pas cru pouvoir assumer plus longtemps les charges du gouvernement. » Ce communiqué donnait donc à entendre que, malgré les conseils de certains de ses amis, M. Delcassé avait définitivement accepté de passer au quai d’Orsay, et que M. Caillaux, rendant justice à l’expérience de son collaborateur, était jusqu’au bout resté prêt à faire de son ministre de la Marine un ministre des relations extérieures. Sans doute n’était-il pas de ceux qui trouvaient périlleuse pour la paix européenne l’œuvre accomplie, pendant six ans, par celui que l’Allemagne avait si fréquemment accusé de la vouloir « encercler ». Le lendemain jeudi, tandis que M. Fallières, président de la République, conférait, suivant l’usage, avec les deux présidents des Chambres, la commission sénatoriale reprit paisiblement sa tâche interrompue. Avant et après la séance, la crise qui venait de s’ouvrir fut, bien entendu, le principal objet de tous les entretiens. « Moi, dit devant plusieurs commissaires M. Clemenceau, je demande un ministère Poincaré. — Pour le renverser ? répliquai-je en riant. — Non, non, pour le soutenir. »

Dans la journée du vendredi, M. Armand Fallières eut, d’abord, d’assez longues entrevues avec MM. Léon Bourgeois et Delcassé ; il me manda ensuite à l’Élysée. Il me fit, comme toujours, l’accueil le plus bienveillant. Il m’exposa la situation avec beaucoup de clairvoyance et de finesse. Il me parla du présent avec confiance et de l’avenir sans trop d’inquiétude. Il me demanda mon avis sur la formation d’un cabinet et, comme je lui conseillais de s’adresser à M. Léon Bourgeois, il me