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LA COMMISSION DU SÉNAT

tence et décliner l’offre qui m’était faite. M. Caillaux eut la courtoisie de ne pas trop me laisser voir qu’il connaissait lui-même l’insuffisance de mon instruction navale, mais il parut comprendre que je ne me dérobais pas par fausse modestie. Il me serra vigoureusement la main et s’éloigna. Je me rendis à la commission sénatoriale et j’y commençai, article par article, l’examen détaillé du traité. Pendant que nous siégions, nous fûmes informés que l’amiral Germinet, auquel, sur mon refus M. Caillaux avait offert le portefeuille de la Marine s’était, à son tour, excusé et que le président du Conseil appelait au ministère de l’Intérieur notre collègue, de la commission, M. Pierre Baudin. Celui-ci prit une heure de réflexion et crut devoir répondre négativement. D’autre part, un certain nombre de députés, amis personnels ou politiques de M. Théophile Delcassé, tous plus jaloux que lui de ménager son avenir, étaient allés le supplier de ne pas se rembarquer, comme ministre des Affaires étrangères, dans un cabinet dont le sauvetage leur semblait une vaine entreprise. Les ministres se réunirent de nouveau, dans la soirée, à la présidence du Conseil. Plusieurs d’entre eux, ébranlés par les conversations de la journée, se prononcèrent pour une démission collective. Courageusement M. Caillaux soutint l’avis contraire, mais il dut, en fin de compte, se rendre aux objections de ses collègues. Après une discussion assez agitée, la note suivante fut communiquée aux journalistes, au moment même où, affamés de nouvelles, ils s’attendaient à apprendre la reconstitution du ministère : « En présence des difficultés que M. Caillaux a rencontrées pour pourvoir le ministère de la Marine d’un titulaire, et étant