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LE LENDEMAIN D’AGADIR

celui de M. Monis. Le président du Conseil lui offrit ce portefeuille des Affaires étrangères qui lui avait été autrefois enlevé, suivant l’expression de M. Victor Bérard, par un « vent de soufflet », venu de Berlin[1].

M. Delcassé demanda à réfléchir. Convaincu cependant qu’il recevrait bientôt l’acceptation de son collaborateur, M. Caillaux vint me trouver à mon cabinet, rue du Commandant-Marchand, et me proposa, du ton le plus cordial le ministère de la Marine. Il n’ignorait pas que j’avais trouvé fâcheux certains écarts des négociations ; mais il savait que, comme rapporteur, je concluais à l’adoption du traité. Nos relations personnelles avaient, d’ailleurs, toujours été très bonnes. Récemment encore, pendant les dernières vacances parlementaires, j’avais reçu de lui, à la campagne, une lettre qui était le meilleur témoignage de ses sentiments.

« Mon cher Ami ;

« J’ai fait téléphoner chez vous ce matin. Je voulais, d’abord causer avec vous, ensuite vous féliciter et surtout vous, remercier de l’article si justement et fortement pensé que je viens de lire dans la Dépêche. Quand serez-vous à Paris ? Encore tous mes remerciements pour le précieux appui que vous m’apportez, et bien à vous,

« Signé : J. Caillaux. »

Mais je n’étais nullement préparé au ministère de la rue Royale. Je dus invoquer mon incompé-

  1. Victor Bérard, la France et Guillaume II. Paris, Armand Colin, 1907.