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Et les hideurs aussi, dans tout ce monde, éclataient pour elle : de telle faraude elle se gaussait, qui à ses domestiques ne parlait qu’en sacrant et leur faisait manger ses biftecks recrachés ; à celles-là elle trouvait des têtes de clown ; à telle autre elle collait dans le dos un sobriquet ; à celui-ci, une figure à claques, elle fronçait le nez. Les dégaines dandinées, empesées ou redondantes, les profils sournois, les mains disposées exprès, les disloquées, grimaçantes misères de l’humaine physionomie si insipidement retapée, comme elle les empoignait d’un geste fracasseur, amer, pour les jeter derrière elle dans un rire ! En cela, elle s’entendait avec un tout grave contrefaiseur des gens, Nathaniel, joueur d’Offenbach, à l’allure dégingandée, portant un gibus, malgré qu’il fût si grand qu’on l’appelait l’éteigneur de réverbères, Nathaniel prenant quand il n’a rien, donnant quand il a, ce qui prouve que le juif chez lui était mâtiné. Et quand, à un dîner de partie à l’hôtel de Paris, on apercevait un couple jobard, il se ménageait la sortie avec Ludine ; ce grand diable d’homme, imperturbable seigneur correctement ployé en demi-cercle, vous enlevait sa dulcinée.

Et elle ne se laissait pas aller avec un russe, dont elle apercevait à la promenade des Anglais la jeune femme. Ce russe eut beau la harceler de