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Si elle gardait Demathez, c’est qu’il faisait envie aux femmes. Devant celles-ci, elle s’en parait comme d’une robe attirant les yeux. Et même, elle lui prêtait de l’argent. Demathez faisait les cent coups. Cette vie risquée, un temps, amusa Ludine ; elle n’y cherchait pas autre chose.

Pour le Russe, elle éprouvait une délicate pitié. Tandis que, les mains dans les siennes, muettement, longuement il la contemplait, elle restait comme dans une hébétude. À cette fascination par elle exercée, elle ne voyait, en vérité, rien de jovial, elle dont la physionomie était cardée des fossettes imperceptibles du rire. Sous son grand front de madone, au contour découpé de cheveux bruns s’effilant là en mèches torses, fluettes, une longue arcature de sourcils cintrait les grands yeux qui tout sérieux fixaient l’admirateur. Puis, si elle cillait, ses dents petites, serrées, droites semblaient monter la garde de l’ironie de son visage.

Un bouquet qu’elle reçut de lui, un soir dans sa loge, elle le secoua désagréablement : « Des gouttes d’eau à présent pour se mouiller ! » Mais les gouttes ne tombaient pas, et elle se réjouit de cette rosée, cristallisée sur les fleurs et les givrant. Devant ces rebuffades, il ne se décourageait pas. Une fois, en descendant de voiture, il étendit sa pelisse sous les pieds de Ludine,