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où elle avait convoité des prophéties, de finir par chercher une industrie vulgaire.

En effet, elle avait eu certaine prétention extravagante, l’ambition de voir défiler, devant sa table de tireuse, le monde de Nice… Ces hommes et ces femmes, vivant d’expédients, perplexes toujours, l’eussent consultée, furtivement. Devant elle, ils n’eussent pas redouté de témoigner leurs angoisses… Afin de n’être pas reconnue, elle se fût déguisée… Un ex-ami, qui sait ! viendrait lui demander de prévoir sa destinée… Comme elle eût ri de ces méconnaissances ! comme elle se fût gaudie de voir ces huppés, ces bravaches, subitement humiliés ! Et elle entrait en causerie avec tel ou tel lui demandant conseil. Quelquefois même elle restait en face d’un timbre de voix seul ; elle ne parvenait à recomposer la figure de l’interrogateur. Ça en devenait un tintouin.

Mais, au lieu d’un célèbre salon fréquenté, c’était toujours la même chambre, au carrelage plus nu sous le feutre d’une carpette, au tapis de table dont les bouquets étaient des fleurs de laine passées. Dessus, les cartes disposées avec symétrie ou gâchées, çà et là miroitées de poisse. Ludine les touchait d’un geste de monomane. Dans l’élimé des pantoufles, de la robe collante à rares décousures, sempiternellement elle