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COMMENT ON THE POEM.
COMMENTAIRES SUR LE POÈME.


The secret of a poem, no less than a jest’s prosperity, lies in the ear of him that hears it. Yield to its spell, accept the poet’s mood : this, after all, is what the sages answer when you ask them of its value. Even though the poet himself, in his other mood, tell you that his art is but sleight of hand, his food enchanter’s food, and offer to show you the trick of it, –believe him not. Wait for his prophetic hour ; then give yourself to his passion, his joy or pain. “We are in Love’s hand to-day !” sings Gautier, in Swinburne’s buoyant paraphrase, – and from morn to sunset we are wafted on the violet sea : there is but one love, one May, one flowery strand. Love is eternal, all else unreal and put aside. The vision has an end, the scene changes ; but we have gained something, the memory of a charm. As many poets, so many charms. There is the charm of Evanescence, that which lends to supreme beauty and grace an aureole of Pathos. Share with Landor his one “night of memories and of sighs” for Rose Aylmer, and you have this to the full.


Le secret d’un poème, tout comme la prospérité de l’humour, se cache dans l’oreille de celui qui l’écoute. Abandonnez-vous à son charme, laissez-vous imprégner de l’état d’âme du poète : voilà ce que les sages répondent quand vous leur demandez d’en apprécier la grandeur. Même si le poète lui-même, en d’autre temps, vous dira que son art n’est qu’un tour de passe-passe, une nourriture qu’il puise de son inspiration d’enchanteur, même s’il vous propose de vous en dévoiler tous les secrets, — ne le croyez pas. Attendez que vienne l’heure prophétique ; puis partagez sa passion, sa joie ou sa douleur. « Nous sommes aujourd’hui entre les mains de l’Amour ! » chante Gautier dans une paraphrase limpide de l’œuvre de Swinburne, — et du matin au coucher du soleil nous sommes ballotés sur une mer violette : il n’y a qu’un seul Amour, un seul Mai, une seule tige fleurie. L’Amour est éternel, tout le reste irréel est à mettre de côté. La vision prend fin, la scène s’estompe ; mais nous avons conservé quelque chose, le souvenir d’un instant charmant. Autant de poètes, autant de charmes. Il y a le charme d’Évanescence, celui qui tend à la beauté suprême et à la grâce, une auréole de Pathos. Partagez avec Landor sa seule « nuit de souvenirs et de soupirs » pour Rose Aylmer, et vous en serez comblé.

And now take the hand of a new-world minstrel, strayed from some proper habitat to that rude and dissonant America which, as Baudelaire saw, “was for Poe only a vast prison through which he ran, hither and thither, with the feverish agitation of a being created to breathe in a purer world,” and wher “his interior life, spiritual as a poet, spiritual even as a drunkard, was but one perpetual effort to escape the influence of this antipathetical atmosphere.” Clasp the sensitive hand of a troubled singer dreeing thus his weird, and share with him the clime in which he found, – never throughout the day, always in the night, – if not the Atlantis whence he had wandered, at least a place of refuge from the bounds in which by day he was immured.

Et maintenant tenez la main de ce ménestrel du nouveau monde, extirpé de son milieu naturel et plongé dans une Amérique rude et dissonante qui, comme Baudelaire l’a constaté, « n’était pour Poe qu’une vaste prison à travers laquelle il courut çà et là, empreint à une agitation fiévreuse d’un être façonné pour habiter dans un monde plus pur », et où « sa vie intérieure, spirituelle en tant que poète, spirituelle même en tant qu’ivrogne, ne fut qu’un effort perpétuel pour échapper à l’influence d’un milieu antipathique. » Prenez la main fébrile d’un chanteur troublé qui manifeste ainsi son égarement, et ressentez avec lui l’atmosphère dans lequel il s’est retrouvé, jamais le jour, toujours la nuit, — errant à la recherche de l’Atlantide, s’il ne l’a pas découvert, au moins a-t-il trouvé un lieu de refuge qui lui a permis d’échapper aux murailles qui l’enfermaient pendant le jour.

To one land only he has power to lead you, and for one night only can you share his dream. A tract of neither Earth nor Heaven : “No-man’sland, ” out of Space, out of Time. Here are the perturbed ones, through whose eyes, like those of the Cenci, the soul finds windows though the mind is dazed ; here spirits, groping for the path which leads to Eternity, are halted and delayed. It is the limbo of “planetary souls,” wherein are all moonlight uncertainties, all lost loves and illusions. Here some are fixed in trance, the only respite attainable ; other

Il n’y a qu’un monde où il a le pouvoir de vous conduire, et pendant une nuit seulement, vous pouvez partager son rêve : un endroit situé ni sur Terre ni au Ciel, un « No man’s land », qui n’appartient ni à l’Espace, ni au Temps. Voici le monde des âmes perturbées, dont les yeux, comme ceux de Les Cenci, ouvrent des fenêtres au moment où la pensée s’est engourdie ; ici les esprits, cherchant le chemin qui conduit à l’Éternité, se sont arrêtés et attendent. Nous atteignons les limbes des « âmes planétaires », où se logent toutes les incertitudes du clair de lune, tous les amours et illusions perdus. Ici certaines se sont fixées en transe, le seul répit à leur portée ; d’autres

“move fantastically
To a discordant melody :”

Formes enveloppées qui commencent et soupirent

while everywhere are

“Sheeted Memories of the Past –
Shrouded forms that start and sigh
As they pass the wanderer by.”

Formes enveloppées qui commencent et soupirent

« Bouge de façon fantastique
Sur une mélodie discordante : »
Formes enveloppées qui commencent et soupirent

alors que partout se retrouve

« Souvenirs Effeuillés du passé —
Formes enveloppées qui commencent et soupirent
En passant devant le vagabond.

Such is the land, and for one night we enter it, – a night of astral phases and recurrent chimes. Its monodies are twelve poems, whose music strives to change yet ever is the same. One by one they sound, like the chiming of the brazen and ebony clock, in “The Masque of the Red Death,” which made the waltzers pause with “disconcert and tremulousness and meditation,” as often as the hour came round.

Voici quel en est le domaine, et pour une nuit nous le pénétrons, – une nuit de phases astrales et de carillons récurrents. Ses monodies sont comme douze poèmes, dont la musique s’efforce de changer mais reste toujours la même. Un par un, ils tintent comme le carillon de l’horloge d’airain et d’ébène, dans « The Masque of the Red Death », où les valses s’arrêtent sous « la consternation et les tremblements et la méditation », à chaque fois que l’heure complète son cycle circulaire.

Of all these mystical cadences, the plaint of The Raven, vibrating through the portal, chiefly has impressed the outer world. What things go to the making of a poem, — and how true in this, as in most else, that race which named its bards “the makers” ! A work is called out of the void. Where there was nothing, it remains, — a new creation, part of the treasure of mankind. And a few exceptional lyrics, more than others that are equally creative, compel us to think anew how bravely the poet’s pen turns things unknown

“to shapes, and gives to airy nothing
A local habitation, and a name.”

De toutes ces cadences mystiques, c’est la plainte formulée par Le corbeau, vibrant à travers le portail, qui a surtout impressionné le monde extérieur. Comment les circonstances amènent-elles la création d’un poème, — et quelle est la part de vérité en ceci, dans la plupart des autres cas où la race a nommé ses bardes « les créateurs »! Une œuvre est tirée du néant. Où il n’y avait rien, prend place une nouvelle création qui fait partie des trésors de l’humanité. Et quelques textes exceptionnels, plus que d’autres tout aussi créatifs, nous oblige à observer à nouveau avec quelle bravoure la plume du poète transforme l’inconnu.

« aux formes, et donne rien à la volatilité
Une habitation locale, et un nom. »

Each seems without a prototype, yet all fascinate us with elements wrested from the shadow of the Supernatural. Now the highest imagination is concerned about the soul of things ; it may or may not inspire the Fantasy that peoples with images the interlunar vague. Still, one of these lyrics, in its smaller way, affects us with a sense of uniqueness, as surely as the sublimer works of a supernatural cast, — Marlowe’s “Faustus,” the “Faust” of Goethe, “Manfred,” or even those ethereal masterpieces, “The Tempes” and “A Midsummer Night’s Dream.” More than one, while otherwise unique, has some

Chacun semble sans précédent, jusqu’ici tout nous fascine parmi ces éléments arrachés à l’ombre du Surnaturel. Maintenant l’imagination la plus fertile s’intéresse à l’âme de tout objet  ; cela peut ou non inspirer la Fantaisie qui peuple d’images le vague inter-lunaire. Pourtant, une seule petite parole, dans toute sa simplicité, pourra affecter nos sens de façon unique, et déterminante tout autant que les œuvres sublimes d’inspiration surnaturelle — « Faustus » de Marlo, le « Faust » de Goethe, « Manfred », ou même ces chefs-d’œuvre éthérés, « The Tempest » et « A Midsummer Night’s Dream. » Plus d’un, bien qu’unique par ailleurs, contient une