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burden or refrain which haunts the memory, — once heard, never forgotten, like the tone of a rarely used but distinctive organ-stop. Notable among them is Burger’s “Lenore,” that ghostly and resonant ballad, the lure and foil of the translators. Few will deny that Coleridge’s wondrous “Rime of the Ancient Mariner” stands at their very head. “Le Juif-Errant” would have claims, had Beranger been a greater poet ; and, but for their remoteness from popular sympathy, “The Lady of Shalott” and “The Blessed Damozel” might be added to the list. It was given to Edgar Allan Poe to produce two lyrics, “The Bells” and The Raven, each of which, although perhaps of less beauty than those of Tennyson and Rossetti, is a unique. “Ulalume,” while equally strange and imaginative, has not the universal quality that is a portion of our test.

certaine charge émotive ou un refrain qui hante la mémoire, — une fois entendu, jamais oublié, comme le son d’un arrêt d’orgue rarement utilisé mais distinctif. Parmi eux, on peut citer « Lenore » de Burger, cette ballade fantomatique et résonnante, qui attire et déjoue les traducteurs. Le Juif-Errant aurait pu y aspirer, si Beranger avait été un plus grand poète ; et, n’eut été de leur éloignement de la sympathie populaire, « The Lady of Shalott » et « The Blessed Damozel » auraient pu être ajoutés à la liste. Il a été donné à Edgar Allan Poe de produire deux textes, « The Bells » et « The Raven », dont chacun, bien que peut-être moins étincelant que ceux de Tennyson et Rossetti, comporte ce caractère d’unicité. « Ulalume », bien qu’il soit tout aussi étrange et imaginatif, n’a pas cette portée universelle que nous recherchons dans notre analyse.

The Raven in sheer poetical constituents falls below such pieces as “The Haunted Palace,” “The City in the Sea,” “The Sleeper,” and “Israfel.” The whole of it would be exchanged, I suspect, by readers of a fastidious cast, for such passages as these:

“Around, by lifting winds forgot,
Resignedly beneath the sky
The melancholy waters lie.

No rays from the holy heaven come down.
On the long night-time of that town
But light from out the lurid sea
Streams up the turrets silently–
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Up many and many a marvellous shrine
Whose wreathed friezes intertwine
The viol, the violet, and the vine.
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No swellings tell that winds may be
Upon some far-off happier sea –
No heavings hint that winds have been
On seas less hideously serene.”

Le corbeau dans ses pures composantes poétiques tombe en-dessous des pièces telles que « Le palais hanté », « La Ville dans la mer », « The Sleeper » et « Israfel ». Le tout serait inversé, je suppose, avec lecteurs d’une distribution plus imposante, dans des passages tels que celles-ci :

« À l’entour, par le soulèvement du vent,
Oubliées, avec résignation gisent
Sous les cieux les mélancoliques eaux.

Nul rayon, du ciel sacré ne provient,
Sur les longues heures de nuit de cette ville ;
Mais une clarté sortie de la mer livide
Inonde les tours en silence —
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Sur mainte et mainte merveilleuse chapelle
Dont les frises contournées enlacent
Avec des violes la violette et la vigne.
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Aucun gonflement ne raconte qu’il peut être
Des vents sur quelque mer plus heureuse du loin —
Aucune houle ne suggère que des vents ont été
Sur des mers d’une moins hideuse sérénité. »
La Cité en la Mer, Edgar A. Poe
(trad. Stéphane Mallarmé)

It lacks the aerial melody of the poet whose heartstrings are a lute :

“And they say (the starry choir
And the other listening things)
That Israfeli’s fire
Is owing to that lyre
By which he sits and sings –
The trembling living wire
Of those unusual strings.”

But The Raven, like “The Bells” and “Annabel Lee”, commends itself to the many and the few. I have said elsewhere that Poe’s rarer productions seemed to me “those in which there is the appearance, at least, of spontaneity, –in which he yields to his feelings, while dying falls and cadences most musical, most melancholy, come from him unawares.” This is still my belief ; and yet, upon a fresh study of this poem, it impresses me more than at any time since my boyhood. Close acquaintance tells in favor of every true work of art. Induce the man, who neither knows art nor cares for it, to examine some poem or painting, and how soon its force takes hold of him ! In fact, he will overrate the relative value of the first good work by which his attention has been fairly caught. The Raven, also, has consistent qualities which even an expert must admire. In no other of its author’s poems is the, motive more palpably defined. “The Haunted Palace” is just as definite to the select reader, but Poe scarcely would have taken that subtle allegory for bald analysis. The Raven is wholly occupied with the author’s typical theme – the irretrievable loss of an idolized and beautiful woman ; but on other grounds, also, the public instinct is correct in thinking it his representative poem.

Il lui manque la mélodie éthérée du poète où les cordes du cœur sont le luth :

« Ils disent (le cœur étoilé
Et tout ce qui écoute là)
Que la flamme d’israfeli
Doit à cette lyre,
Avec quoi il siège et chante,
Le frémissement de vie qui se prolonge
Sur ces cordes extraordinaires. »
Israfel, Edgar A. Poe
(trad. Stéphane Mallarmé)

Mais Le Corbeau, tout comme « The Bells » et « Annabel Lee », se recommandent tant à la multitude qu’au petit nombre. J’ai déjà mentionné que les productions les moins connues de Poe me semblaient « celles où il y a, au moins, l’apparence de spontanéité, — dans laquelle il se livre à ses sentiments, tandis que les chutes de mort et les cadences les plus musicales, les plus mélancoliques, lui viennent à l’improviste ». C’est toujours ce que je crois ; et de fait, à l’étude de ce poème, il m’impressionne plus qu’à aucun autre moment depuis mon enfance. Une conviction intime plaide en faveur de toute véritable œuvre d’art. Incitez l’homme, qui ne connaît pas l’art et ne s’en soucie pas, à examiner un poème ou une peinture, et combien vite sa force s’empare de lui ! En fait, il surestimera la valeur relative de la première belle œuvre qui aura suffisamment attiré son attention. Le Corbeau, lui aussi, a des qualités consistantes que même un expert doit admirer. Dans aucun autre poème de son auteur, le motif n’est défini de façon plus palpable. « Le palais hanté » est tout aussi bien construit pour un lecteur averti, mais Poe n’aurait guère utilisé cette allégorie subtile pour une analyse simpliste. Le Corbeau est entièrement consacré au thème typique de l’auteur — la perte irrémédiable d’une femme belle et idolâtrée — mais pour d’autres raisons, l’opinion publique a raison de penser qu’il s’agit de son poème le plus représentatif.

A man of genius usually gains a footing with the success of some one effort, and this not always his greatest. Recognition is the more instant for having been postponed. He does not acquire it, like a miser’s fortune, coin after coin, but “not at all or all in all.” And thus with other ambitions : the courtier, soldier, actor, — whatever their parts, — each counts his triumph from some lucky stroke. Poe’s Raven, despite augury, was for him “the bird that made the breeze to blow.” The poet settled in New-York, in the winter of 1844-’45, finding work upon Willis’s paper, “The Evening Mirror,” and eking out his income by contributions elsewhere. For six years he had been an active writer, and enjoyed a professional reputation ; was held in both respect and misdoubt, and was at no loss for his share of the ill-paid journalism of that day. He also had done much of his very best work, – such tales as “Ligeia” and “The Fall of the House of Usher,” (the latter containing that mystical counterpart, in verse, of Elihu Vedder’s “A Lost Mind,”) such analytic feats as “The Gold Bug” and “The Mystery of Marie Roget.” He had made proselytes abroad, and gained a lasting hold upon the French mind. He had learned his own power and weakness, and was at his prime, and not without a certain reputation. But he had written nothing that was on the tongue of everybody. To rare and delicate work some popular touch must be added to capture the general audience of one’s own time.

Un homme de génie prend pied généralement grâce au succès d’un seul ouvrage, et ce n’est pas toujours son plus grand. La reconnaissance est d’autant plus instantanée qu’elle a été retardée. Il ne l’acquiert pas, comme la fortune d’un avare, pièce par pièce, mais « pas du tout ou tout d’un coup ». Ainsi, en est-il avec d’autres ambitions : le courtisan, le soldat, l’acteur, — quels que soient leurs rôles, — chacun doit son triomphe à un coup de chance. Le Corbeau de Poe, malgré l’augure, fut pour lui « l’oiseau qui a fait lever la brise ». Le poète s’installa à New-York, durant l’hiver 1844-45, trouvant du travail au journal de Willis, « The Evening Mirror », tout en tirant ses revenus de contributions ailleurs. Pendant six ans, il a été un écrivain actif, et a joui d’une réputation professionnelle ; il a récolté à la fois le respect et la méfiance, et a su tirer sa juste part du journalisme mal payé de l’époque. Il a également réalisé une grande partie de ses meilleurs travaux, des contes comme « Ligeia » et « La chute de la maison Usher » (ce dernier contenant l’équivalent mystique, en vers, de « The Lost Mind » d’Elihu Vedder), des prouesses analytiques comme « Le Scarabée d’or » et « Le mystère de Marie Roget ». Il a fait des prosélytes à l’étranger, et s’est solidement ancré dans l’esprit français. Il avait dès lors acquis sa propre puissance et sa propre faiblesse, atteint son apogée, non sans jouir d’une certaine réputation. Mais il n’a rien écrit qui soit sur la langue de tout le monde. À des œuvres rares et délicates, il faut ajouter une certaine saveur populaire pour rejoindre le grand public de son temps.

Through the industry of Poe’s successive biographers, the hit made by The Raven has become an oft-told tale. The poet’s young wife, Virginia, was fading before his eyes, but lingered for another year within death’s shadow. The long, low chamber in the house near the Bloomingdale Road is as

Par les travaux des biographes successifs de Poe, le succès obtenu par Le Corbeau a été largement diffusé. La jeune femme du poète, Virginia, s’éteignait devant ses yeux, mais elle résista une autre année dans l’ombre de la mort. La longue chambre basse de la maison située près de la route de Bloomingdale est devenue toute aussi