lution de ne pas le quitter avant d’avoir satisfait en quelque façon ma curiosité à son égard.
Une horloge au timbre éclatant sonna onze heures, et tout le monde désertait le bazar en grande hâte. Un boutiquier, en fermant un volet, coudoya le vieux homme, et à l’instant même je vis un violent frisson parcourir tout son corps. Il se précipita dans la rue, regarda un instant avec anxiété autour de lui, puis fila avec une incroyable vélocité à travers plusieurs ruelles tortueuses et désertes, jusqu’à ce que nous aboutîmes de nouveau à la grande rue d’où nous étions partis, — la rue de l’hôtel D… Cependant, elle n’avait plus le même aspect. Elle était toujours brillante de gaz ; mais la pluie tombait furieusement, et l’on n’apercevait que de rares passants. L’inconnu pâlit. Il fit quelques pas d’un air morne dans l’avenue naguère populeuse ; puis, avec un profond soupir, il tourna dans la direction de la rivière, et, se plongeant à travers un labyrinthe de chemins détournés, arriva enfin devant un des principaux théâtres. On était au moment de le fermer, et le public s’écoulait par les portes. Je vis le vieux homme ouvrir la bouche, comme pour respirer et se jeter parmi la foule ; mais il me sembla que l’angoisse profonde de sa physionomie était en quelque sorte calmée. Sa tête tomba de nouveau sur sa poitrine ; il apparut tel que je l’avais vu la première fois. Je remarquai qu’il se dirigeait maintenant du même côté que la plus grande partie du public, — mais, en somme, il m’était impossible de rien comprendre à sa bizarre obstination.
Pendant qu’il marchait, le public se disséminait ; son malaise et ses premières hésitations le reprirent. Pendant quelque temps, il suivit de très près un groupe de dix ou douze tapageurs ; peu à peu, un à un, le nombre s’éclaircit et se réduisit à trois individus qui restèrent ensemble, dans une ruelle étroite, obscure et peu fréquentée. L’inconnu fit une pause, et pendant un moment parut se perdre dans ses réflexions ; puis, avec une