ques secondes, je l’acculai par la force du poignet contre la boiserie, et, là, le tenant à ma discrétion, je lui plongeai, à plusieurs reprises et coup sur coup, mon épée dans la poitrine avec une férocité de brute.
En ce moment, quelqu’un toucha à la serrure de la porte. Je me hâtai de prévenir une invasion importune, et je retournai immédiatement vers mon adversaire mourant. Mais quelle langue humaine peut rendre suffisamment cet étonnement, cette horreur qui s’emparèrent de moi au spectacle que virent alors mes yeux. Le court instant pendant lequel je m’étais détourné avait suffi pour produire, en apparence, un changement matériel dans les dispositions locales à l’autre bout de la chambre. Une vaste glace — dans mon trouble, cela m’apparut d’abord ainsi, — se dressait là où je n’en avais pas vu trace auparavant ; et, comme je marchais frappé de terreur vers ce miroir, ma propre image, mais avec une face pâle et barbouillée de sang, s’avança à ma rencontre d’un pas faible et vacillant.
C’est ainsi que la chose m’apparut, dis-je, mais telle elle n’était pas. C’était mon adversaire, — c’était Wilson qui se tenait devant moi dans son agonie. Son masque et son manteau gisaient sur le parquet, là où il les avait jetés. Pas un fil dans son vêtement, — pas une ligne dans toute sa figure si caractérisée et si singulière, — qui ne fût mien, — qui ne fût mienne ; — c’était l’absolu dans l’identité !
C’était Wilson, mais Wilson ne chuchotant plus ses paroles maintenant ! si bien que j’aurais pu croire que c’était moi-même qui parlais quand il me dit :
« Tu as vaincu, et je succombe. Mais dorénavant tu es mort aussi, — mort au monde, au ciel et à l’espérance ! En moi tu existais, — et vois dans ma mort, vois par cette image qui est la tienne, comme tu t’es radicalement assassiné toi-même ! »