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Le Joueur d’échecs de Maelzel.

simplement produit par la retraite de l’adversaire, et sans aucune intervention de Maelzel.

Ce fait prouve nettement, — primo, que l’intervention de Maelzel, exécutant sur l’échiquier du Turc les coups de l’adversaire, n’est pas indispensable pour les mouvements du Turc,

— secundo, que les mouvements de Y Automate sont réglés par l’esprit, par quelque personne pouvaut apercevoir l’échiquier de l’adversaire, — tertio, que ses mouvements ne sont pas réglés par l’esprit de Maelzel, qui avait le dos tourné du côté de l’adversaire pendant que celui-ci opérait son mouvement de retraite.

III.

L’Automate ne gagne pas invariablement. Si la machine était une pure machine, il n’en serait pas ainsi ; elle devrait toujours gagner. Étant découvert le principe par lequel une machine peut jouer une partie d’échecs, l’extension du même principe la doit rendre capable de la gagner, et une extension plus grande, de gagner toutes les parties, c’est-à-dire de battre n’importe quel adversaire. Il suffira d’un peu de réflexion pour convaincre chacun qu’il n’est pas plus difficile, en ce qui regarde le principe des opérations nécessaires, de faire une machine gagnant toutes les parties que d’en faire une qui n’en gagne qu’une seule. Si donc nous regardons le Joueur d’échecs comme une machine, nous devons supposer (ce qui est singulièrement improbable) que l’inventeur a mieux aimé la laisser incomplète que la faire parfaite, — supposition qui apparaît encore plus absurde si nous réfléchissons qu’en la laissant incomplète, il fournissait un argument contre la possibilité supposée d’une pure machine ; — c’est justement l’argument dont nous profitons ici.