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Le Joueur d’échecs de Maelzel.

L’adversaire s’étant assis, l’exhibiteur se dirige vers le tiroir de la caisse, sous le bras gauche de l’Automate, après lui avoir retiré la pipe de la main. Prenant ensuite dans le même tiroir le jeu d’échecs de l’Automate, il dispose les pièces sur l’échiquier placé devant la figure. Puis il repousse les portes et les ferme, laissant le trousseau de clefs suspendu à la porte numéro 1. Il ferme également le tiroir, et enfin il monte la machine en introduisant une clef dans un trou placé à l’extrémité gauche de la machine (gauche du spectateur). La partie commence, l’Automate faisant le premier coup. La durée de la partie est également limitée à une demi-heure ; mais, si elle n’est pas finie à l’expiration de cette période, et si l’adversaire prétend qu’il croit pouvoir battre l’Automate, M. Maelzel s’oppose rarement à la continuation de la partie. Ne pas fatiguer l’assemblée, tel est le motif ostensible, et sans doute réel, de cette limitation de temps. Naturellement, on devine qu’à chaque coup joué par l’adversaire à sa propre table, M. Maelzel lui-même agissant comme représentant de l’adversaire, exécute le coup correspondant sur la caisse de l’Automate. De même, quand le Turc joue, le coup correspondant est exécuté, à la table de l’adversaire, par M. Maelzel, agissant alors comme représentant de l’Automate. De cette façon, il est nécessaire que l’exhibiteur passe souvent d’une table vers l’autre. Souvent aussi, il retourne vers la figure pour emporter les pièces qu’elle a prises et qu’il dépose au fur et à mesure, sur la caisse, à gauche de l’échiquier (à sa propre gauche). Quand l’Automate hésite relativement à un coup, on voit quelquefois l’exhibiteur se placer très près de sa droite, et poser sa main de temps à autre, d’une façon négligente, sur la caisse. Il a aussi une certaine trépidation des pieds, propre à insinuer dans les esprits qui sont plus rusés que sagaces l’idée d’une connivence entre la machine et lui. Ces particularités sont sans doute de purs tics de M. Maelzel, ou, s’il en a conscience, il s’en sert dans le but de suggérer aux