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rieux et de parfait comme le cristal. Je n’ai pas besoin, je présume, d’ajouter que les critiques américains ont souvent dénigré cette poésie ; tout récemment, je trouvais dans un dictionnaire de biographies américaines un article où elle était décrétée d’étrangeté, où on avouait qu’il était à craindre que cette muse à la toilette savante ne fît école dans le glorieux pays de la morale utile, et où enfin on regrettait que Poe n’eût pas appliqué ses talents à l’expression de vérités morales au lieu de les dépenser à la recherche d’un idéal bizarre et de prodiguer dans ses vers une volupté mystérieuse, il est vrai, mais sensuelle.

Nous connaissons cette loyale escrime. Les reproches que les mauvais critiques font aux bons poètes sont les mêmes dans tous les pays. En lisant cet article, il me semblait lire la traduction d’un de ces nombreux réquisitoires dressés par les critiques parisiens contre ceux de nos poètes qui sont le plus amoureux de perfection. Nos préférés sont faciles à deviner, et toute âme éprise de poésie pure me comprendra quand je dirai que, parmi notre race antipoétique, Victor Hugo serait moins admiré s’il était parfait, et qu’il n’a pu se faire pardonner son génie lyrique qu’en introduisant de force et brutalement dans sa poésie ce qu’Edgar Poe considérait comme l’hérésie moderne capitale, — l’enseignement.

C. B.