Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/295

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CONVERSATION
D’EIROS AVEC CHARMION


Je t’apporterai le feu.
Euripide. — Andromaque.


eiros. — Pourquoi m’appelles-tu Eiros ?

charmion. — Ainsi t’appelleras-tu désormais. Tu dois aussi oublier mon nom terrestre et me nommer Charmion.

eiros. — Ce n’est vraiment pas un rêve !

charmion. — De rêves, il n’y en a plus pour nous ; — mais renvoyons à tantôt ces mystères. Je me réjouis de voir que tu as l’air de posséder toute ta vie et ta raison. La taie de l’ombre a déjà disparu de tes yeux, prends courage, et ne crains rien. Les jours à donner à la stupeur sont passés pour toi ; et, demain, je veux moi-même t’introduire dans les joies parfaites et les merveilles de ta nouvelle existence.

eiros. — Vraiment, — je n’éprouve aucune stupeur — aucune. L’étrange vertige et la terrible nuit m’ont quittée, et je n’entends plus ce bruit insensé, précipité, horrible, pareil à la voix des grandes eaux. Cependant, mes sens sont effarés, Charmion, par la pénétrante perception du nouveau.

charmion. — Peu de jours suffiront à chasser tout cela ;