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tiennes résolurent tout d’un coup d’être libres, et de donner ainsi un magnifique exemple au reste de l’humanité. Elles rassemblèrent leurs sages, et brassèrent la plus ingénieuse constitution qu’il est possible d’imaginer. Pendant quelque temps, tout alla le mieux du monde ; seulement, il y avait là des habitudes de blague qui étaient quelque chose de prodigieux. La chose néanmoins finit ainsi : les treize États, avec quelque chose comme quinze ou vingt autres, se consolidèrent dans le plus odieux et le plus insupportable despotisme dont on ait jamais ouï parler sur la face du globe.

Je demandai quel était le nom du tyran usurpateur.

Autant que le comte pouvait se le rappeler, ce tyran se nommait la Canaille.

Ne sachant que dire à cela, j’élevai la voix, et je déplorai l’ignorance des Égyptiens relativement à la vapeur.

Le comte me regarda avec beaucoup d’étonnement, mais ne répondit rien. Le gentleman silencieux me donna toutefois un violent coup de coude dans les côtes, — me dit que je m’étais suffisamment compromis pour une fois, — et me demanda si j’étais réellement avez innocent pour ignorer que la machine à vapeur descendait de l’invention de Héro en passant par Salomon de Cous.

Nous étions pour lors en grand danger d’être battus ; mais notre bonne étoile fit que le docteur Ponnonner, s’étant rallié, accourut à notre secours, et demanda si la nation égyptienne prétendait sérieusement rivaliser avec les modernes dans l’article de la toilette, si important et si compliqué.

À ce mot, le comte jeta un regard sur les sous-pieds de son pantalon ; puis, prenant par le bout une des basques de son habit, il l’examina curieusement pendant quelques minutes. À la fin, il la laissa retomber, et sa bouche s’étendit graduellement d’une oreille à l’autre ; mais je ne me rappelle pas qu’il ait dit quoi que ce soit en manière de réplique.