n’avais rien de mieux à attendre : c’est un pauvre petit gros sot qui ne sait rien de rien. J’ai pitié de lui, et je lui pardonne. Mais vous, monsieur Gliddon, — et vous, Silk, qui avez voyagé et résidé en Égypte, à ce point qu’on pourrait croire que vous êtes né sur nos terres, — vous, dis-je, qui avez tant vécu parmi nous, que vous parlez l’égyptien aussi bien, je crois, que vous écrivez votre langue maternelle, — vous que je m’étais accoutumé à regarder comme le plus ferme ami des momies, — j’attendais de vous une conduite plus courtoise. Que dois-je penser de votre impassible neutralité quand je suis traité aussi brutalement ? Que dois-je supposer, quand vous permettez à Pierre et à Paul de me dépouiller de mes bières et de mes vêtements sous cet affreux climat de glace ? À quel point de vue, pour en finir, dois-je considérer votre fait d’aider et d’encourager ce misérable petit drôle, ce docteur Ponnonner, à me tirer par le nez ? »
On croira généralement, sans aucun doute, qu’en entendant un pareil discours, dans de telles circonstances, nous avons tous filé vers la porte, ou que nous sommes tombés dans de violentes attaques de nerfs, ou dans un évanouissement unanime. L’une de ces trois choses, dis-je, était probable. En vérité, chacune de ces trois lignes de conduite et toutes les trois étaient des plus légitimes. Et, sur ma parole, je ne puis comprendre comment il se fit que nous n’en suivîmes aucune. Mais, peut-être, la vraie raison doit-elle être cherchée dans l’esprit de ce siècle, qui procède entièrement par la loi des contraires, considérée aujourd’hui comme solution de toutes les antinomies et fusion de toutes les contradictions. Ou peut-être, après tout, était-ce seulement l’air excessivement naturel et familier de la momie qui enlevait à ses paroles toute puissance terrifique. Quoi qu’il en soit, les faits sont positifs, et pas un membre de la société ne trahit d’effroi bien caractérisé et ne parut croire qu’il se fût passé quelque chose de particulièrement irrégulier.