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Cependant, le bon peuple du bourg n’avait pas encore eu le temps d’ouvrir ses yeux tout grands, quand, juste une demi-minute avant midi, le gueux s’élança, comme je vous le dis, droit au milieu de ces braves gens, fit ici un chassé, là un balancé ; puis, après une pirouette et un pas de zéphyr, partit comme à pigeon-vole vers le beffroi de la maison de ville, où le gardien de l’horloge stupéfait fumait dans une attitude de dignité et d’effroi. Mais le petit garnement l’empoigna tout d’abord par le nez, le lui secoua et le lui tira, lui flanqua son gros claque sur la tête, le lui enfonça par-dessus les yeux et la bouche ; puis, levant son gros violon, le battit avec, si longtemps et si vigoureusement que, — vu que le gardien était si ballonné, et le violon si vaste et si creux, — vous auriez juré que tout un régiment de grosses caisses battait le rantanplan du diable dans le beffroi du clocher de Vondervotteimittiss.

On ne sait pas à quel acte désespéré de vengeance cette attaque révoltante aurait pu pousser les habitants, n’était ce fait très important qu’il manquait une demi-seconde pour qu’il fût midi. La cloche allait sonner, et c’était une affaire d’absolue et supérieure nécessité que chacun eût l’œil à sa montre. Il était évident toutefois que, juste en ce moment, le gaillard fourré dans le clocher en avait à la cloche, et se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Mais, comme elle commençait à sonner, personne n’avait le temps de surveiller les manœuvres du traître, car chacun était tout oreilles pour compter les coups.

« Un ! dit la cloche.

— Hine ! répliqua chaque vieux petit monsieur de Vondervotteimittiss dans chaque fauteuil à fond de cuir. — Hine ! dit sa montre ; hine ! dit la montre de sa phâme, et — hine ! dirent