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plan et à la correction de l’exécution ; démontant les œuvres littéraires comme des pièces mécaniques défectueuses (pour le but qu’elles voulaient atteindre), notant soigneusement les vices de fabrication ; et, quand il passait au détail de l’œuvre, à son expression plastique, au style en un mot, épluchant, sans omission, les fautes de prosodie, les erreurs grammaticales et toute cette masse de scories qui, chez les écrivains non artistes, souillent les meilleures intentions et déforment les conceptions les plus nobles.

Pour lui, l’imagination est la reine des facultés, mais par ce mot il entend quelque chose de plus grand que ce qui est entendu par le commun des lecteurs. L’imagination n’est pas la fantaisie ; elle n’est pas non plus la sensibilité, bien qu’il soit difficile de concevoir un homme imaginatif qui ne serait pas sensible. L’imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d’abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies. Les honneurs et les fonctions qu’il confère à cette faculté lui donnent une valeur telle (du moins quand on a bien compris la pensée de l’auteur), qu’un savant sans imagination n’apparaît plus que comme un faux savant, ou tout au moins comme un savant incomplet.

Parmi les domaines littéraires où l’imagination peut obtenir les plus curieux résultats, peut récolter les trésors, non pas les plus riches, les plus précieux (ceux-là appartiennent à la poésie), mais les plus nombreux et les plus variés, il en est un que Poe affectionne particulièrement, c’est la Nouvelle. Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine, laisse dans l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents ; mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combi-