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qui, naturellement braves, et, cette nuit-là surtout, pleins jusqu’aux bords de courage et de humming-stuff, auraient intrépidement roulé, aussi droit que l’aurait permis leur état, dans la gueule même de la Mort. En avant, — toujours en avant allait le sinistre Legs, faisant retentir les échos de ce désert solennel de cris semblables au terrible hurlement de guerre des Indiens ; et avec lui toujours, toujours roulait le trapu Tarpaulin, accroché au pourpoint de son camarade plus agile, et surpassant encore les plus valeureux efforts de ce dernier dans la musique vocale par des mugissements de basse tirés des profondeurs de ses poumons stentoriens.

Évidemment, ils avaient atteint la place forte de la peste. À chaque pas ou à chaque culbute, leur route devenait plus horrible et plus infecte, les chemins plus étroits et plus embrouillés. De grosses pierres et des poutres tombant de temps en temps des toits délabrés rendaient témoignage, par leurs chutes lourdes et funestes, de la prodigieuse hauteur des maisons environnantes ; et, quand il leur fallait faire un effort énergique pour se pratiquer un passage à travers les fréquents monceaux de gravats, il n’était pas rare que leur main tombât sur un squelette, ou s’empêtrât dans les chairs décomposées.

Tout à coup les marins trébuchèrent contre l’entrée d’un vaste bâtiment d’apparence sinistre ; un cri plus aigu que de coutume jaillit du gosier de l’exaspéré Legs, et il y fut répondu de l’intérieur par une explosion rapide, successive, de cris sauvages, démoniaques, presque des éclats de rire. Sans s’effrayer de ces sons, qui, par leur nature, dans un pareil lieu, dans un pareil moment, auraient figé le sang dans des poitrines moins irréparablement incendiées, et s’abattirent au milieu des choses avec une volée d’imprécations.

La salle dans laquelle ils tombèrent se trouva être le magasin d’un entrepreneur des pompes funèbres ; mais une trappe