propre américanisme dans la région des choses inférieures ; d’autres fois, rentrant dans la vraie voie des poètes, obéissant sans doute à l’inéluctable vérité qui nous hante comme un démon, il poussait les ardents soupirs de l’ange tombé qui se souvient des Cieux ; il envoyait ses regrets vers l’âge d’or et l’Éden perdu ; il pleurait toute cette magnificence de la nature, se recroquevillant devant la chaude haleine des fourneaux ; enfin, il jetait ces admirables pages : Colloque entre Monos et Una, qui eussent charmé et troublé l’impeccable De Maistre.
C’est lui qui a dit, à propos du socialisme, à l’époque où celui-ci n’avait pas encore un nom, où ce nom du moins n’était pas tout à fait vulgarisé : « Le monde est infesté actuellement par une nouvelle secte de philosophes, qui ne se sont pas encore reconnus comme formant une secte, et qui conséquemment n’ont pas adopté de nom. Ce sont les croyants à toute vieillerie (comme qui dirait : prédicateurs en vieux). Le grand prêtre dans l’Est est Charles Fourier, — dans l’Ouest, Horace Greely ; et grands prêtres ils sont à bon escient. Le seul lien commun parmi la secte est la crédulité ; — appelons cela démence, et n’en parlons plus. Demandez à l’un d’eux pourquoi il croit ceci ou cela ; et, s’il est consciencieux (les ignorants le sont généralement), il vous fera une réponse analogue à celle que fit Talleyrand, quand on lui demanda pourquoi il croyait à la Bible. « J’y crois, » dit-il, « d’abord parce que je suis évêque d’Autun, et en second lieu parce que je n’y entends absolument rien. » Ce que ces philosophes-là appellent argument est une manière à eux de nier ce qui est et d’expliquer ce qui n’est pas. »
Le progrès, cette grande hérésie de la décrépitude, ne pouvait pas non plus lui échapper. Le lecteur verra, en différents passages, de quels termes il se servait pour la caractériser. On dirait vraiment, à voir l’ardeur qu’il y dépense, qu’il avait à s’en venger comme d’un embarras public, comme d’un fléau de la rue. Combien eût-il ri, de ce rire méprisant du poète qui ne grossit jamais la grappe des badauds, s’il était tombé, comme cela m’est arrivé récemment, sur cette phrase mirifique qui fait rêver aux bouffonnes et volontaires absurdités des paillasses, et que j’ai trouvée se pavanant perfidement dans un journal plus que grave : Le progrès in-