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à la cour, les talents de Hop-Frog et de Tripetta étaient à coup sûr mis en réquisition. Hop-Frog, particulièrement, était si inventif en matière de décorations, de types nouveaux et de travestissements pour les bals masqués, qu’il semblait que rien ne pût se faire sans son assistance.

La nuit marquée pour la fête était arrivée. Une salle splendide avait été disposée, sous l’œil de Tripetta, avec toute l’ingéniosité possible pour donner de l’éclat à une mascarade. Toute la cour était dans la fièvre de l’attente. Quant aux costumes et aux rôles, chacun, on le pense bien, avait fait son choix en cette matière. Beaucoup de personnes avaient déterminé les rôles qu’elles adopteraient, une semaine ou même un mois d’avance ; et, en somme, il n’y avait incertitude ni indécision nulle part, — excepté chez le roi et ses sept ministres. Pourquoi hésitaient-ils ? je ne saurais le dire, — à moins que ce ne fût encore une manière de farce. Plus vraisemblablement, il leur était difficile d’attraper leur idée, à cause qu’ils étaient si gros ! Quoi qu’il en soit, le temps fuyait, et, comme dernière ressource, ils envoyèrent chercher Tripetta et Hop-Frog.

Quand les deux petits amis obéirent à l’ordre du roi, ils le trouvèrent prenant royalement le vin avec les sept membres de son conseil privé ; mais le monarque semblait de fort mauvaise humeur. Il savait que Hop-Frog craignait le vin ; car cette boisson excitait le pauvre boiteux jusqu’à la folie ; et la folie n’est pas une manière de sentir bien réjouissante. Mais le roi aimait ses propres charges et prenait plaisir à forcer Hop-Frog à boire, et, — suivant l’expression royale, — être gai.

« Viens ici, Hop-Frog, — dit-il, comme le bouffon et son amie entraient dans la chambre ; — avale-moi cette rasade à la santé de vos amis absents (ici, Hop-Frog soupira), et sers-nous de ton imaginative. Nous avons besoin de types, — de carac-