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de laisser sa fortune s’accumuler durant un siècle après sa mort. Ayant indiqué lui-même, minutieusement et avec la plus grande sagacité, les différents modes de placement, il légua la masse totale à la personne la plus rapprochée par le sang, portant le nom d’Ellison, qui serait vivante à l’expiration de la centième année. Plusieurs tentatives avaient été faites pour obtenir l’annulation de ce singulier legs ; mais, entachées d’un caractère rétroactif, elles avaient avorté ; cependant l’attention d’un gouvernement soupçonneux avait été éveillée, et finalement un décret avait été rendu, qui défendait à l’avenir toutes accumulations semblables de capitaux. Toutefois ce décret ne put pas empêcher le jeune Ellison d’entrer en possession au vingt et unième anniversaire de sa naissance, et comme héritier de son ancêtre Seabright, d’une fortune de quatre cent cinquante millions de dollars[1].

  1. Un incident, à peu près semblable à celui supposé dans ce récit, s’est présenté, il n’y a pas très-longtemps, en Angleterre. Le nom de l’heureux héritier était Thelluson. J’ai trouvé, pour la première fois, une mention d’un cas de ce genre dans le Voyage du prince Puckler-Muskau, qui attribue à l’héritage en question le chiffre de quatre-vingt-dix millions de livres, et fait justement observer que « dans la contemplation d’une si vaste somme et des buts auxquels elle peut être appliquée, il y a quelque chose qui ressemble au sublime. » Pour servir les intentions du présent article, je me suis conformé au chiffre du prince, bien qu’il soit monstrueusement exagéré. Le germe, et même l’ébauche positive de ce travail, ont été publiés, il y a plusieurs années, bien avant le premier numéro de l’admirable Juif errant, d’Eugène Sue, qui en a peut-être tiré l’idée du récit de Muskan. — E. A. P.