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taient si violemment l’esprit public n’était pas encore arrivée à nos oreilles. Dupin et moi, voués à des recherches qui avaient absorbé toute notre attention depuis près d’un mois, nous n’avions, ni l’un ni l’autre, mis le pied dehors ; nous n’avions reçu aucune visite, et à peine avions-nous jeté un coup d’œil sur les principaux articles politiques d’un des journaux quotidiens. La première nouvelle du meurtre nous fut apportée par G..., en personne[1]. Il vint nous voir le 13 juillet 18.., au commencement de l’après-midi, et resta avec nous assez tard après la nuit tombée. Il était vivement blessé de l’insuccès de ses efforts pour dépister les assassins. Sa réputation, disait-il avec un air essentiellement parisien, était en jeu ; son honneur même, engagé dans la partie. L’œil du public, d’ailleurs, était fixé sur lui, et il n’était pas de sacrifice qu’il ne fût vraiment disposé à faire pour l’éclaircissement de ce mystère. Il termina son discours, passablement drôle, par un compliment relatif à ce qu’il lui plut d’appeler le tact de Dupin, et fit à celui-ci une proposition directe, certainement fort généreuse, dont je n’ai pas le droit de révéler ici la valeur précise, mais qui n’a pas de rapports avec l’objet propre de mon récit.

Mon ami repoussa le compliment du mieux qu’il put, mais il accepta tout de suite la proposition, bien que les avantages en fussent absolument conditionnels. Ce

  1. Voir Double Assassinat dans la rue Morgue et la Lettre volée. Il est évident que Poe a pensé à M. Gisquet, qui d’ailleurs ne se serait guère reconnu dans le personnage G. — G. B.