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grand goût pour ces folies, et maintenant elles me revenaient comme un radotage de la douleur. Hélas ! je sens qu’on aurait pu découvrir un commencement de folie dans ces splendides et fantastiques draperies, dans ces solennelles sculptures égyptiennes, dans ces corniches et ces ameublements bizarres, dans les extravagantes arabesques de ces tapis tout fleuris d’or ! J’étais devenu un esclave de l’opium, il me tenait dans ses liens, — et tous mes travaux et mes plans avaient pris la couleur de mes rêves. Mais je ne m’arrêterai pas au détail de ces absurdités. Je parlerai seulement de cette chambre, maudite à jamais, où dans un moment d’aliénation mentale je conduisis à l’autel et pris pour épouse, — après l’inoubliable Ligeia ! — lady Rowena Trevanion de Tremaine, à la blonde chevelure et aux yeux bleus.

Il n’est pas un détail d’architecture ou de la décoration de cette chambre nuptiale qui ne soit maintenant présent à mes yeux. Où donc la hautaine famille de la fiancée avait-elle l’esprit, quand, mue par la soif de l’or, elle permit à une fille si tendrement chérie de passer le seuil d’un appartement décoré de cette étrange façon ? J’ai dit que je me rappelais minutieusement les détails de cette chambre, bien que ma triste mémoire perde souvent des choses d’une rare importance ; et pourtant il n’y avait pas dans ce luxe fantastique de système ou d’harmonie qui pût s’imposer au souvenir.

La chambre faisait partie d’une haute tour de cette