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se révèlent la phosphorescence de la pourriture et la senteur de l’orage. La nature dite inanimée participe de la nature des êtres vivants, et, comme eux, frissonne d’un frisson surnaturel et galvanique. L’espace est approfondi par l’opium ; l’opium y donne un sens magique à toutes les teintes, et fait vibrer tous les bruits avec une plus significative sonorité. Quelquefois, des échappées magnifiques, gorgées de lumière et de couleur, s’ouvrent soudainement dans ses paysages, et l’on voit apparaître au fond de leurs horizons des villes orientales et des architectures, vaporisées par la distance, où le soleil jette des pluies d’or.

Les personnages de Poe, ou plutôt le personnage de Poe, l’homme aux facultés suraiguës, l’homme aux nerfs relâchés, l’homme dont la volonté ardente et patiente jette un défi aux difficultés, celui dont le regard est tendu avec la roideur d’une épée sur des objets qui grandissent à mesure qu’il les regarde, — c’est Poe lui-même. — Et ses femmes, toutes lumineuses et malades, mourant de maux bizarres et parlant avec une voix qui ressemble à une musique, c’est encore lui ; ou du moins, par leurs aspirations étranges, par leur savoir, par leur mélancolie inguérissable, elles participent fortement de la nature de leur créateur. Quant à sa femme idéale, à sa Titanide, elle se révèle sous différents portraits éparpillés dans ses poésies trop peu nombreuses, portraits, ou plutôt manières de sentir la beauté, que le tempérament de l’auteur rapproche et confond dans une unité vague mais sensible, et où vit plus délicatement peut-être qu’ailleurs cet amour insatiable du Beau, qui est son grand titre, c’est-à-dire le résumé de ses titres à l’affection et au respect des poëtes.

Nous rassemblons sous le titre : Histoires extraordinaires, divers contes choisis dans l’œuvre général de Poe. Cet œuvre se compose d’un nombre considérable de Nouvelles, d’une