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À la longue, cependant, la cérémonie du baptême s’offrit à mon esprit, dans cet état d’énervation et d’agitation, comme l’heureuse délivrance des terreurs de ma destinée. Et, aux fonts baptismaux, j’hésitai sur le choix d’un nom. Et une foule d’épithètes de sagesse et de beauté, de noms tirés des temps anciens et modernes, de mon pays et des pays étrangers, vint se presser sur mes lèvres, et une multitude d’appellations charmantes de noblesse, de bonheur et de bonté.

Qui m’inspira donc alors d’agiter le souvenir de la morte enterrée ? Quel démon me poussa à soupirer un son dont le simple souvenir faisait toujours refluer mon sang par torrents des tempes au cœur ? Quel méchant esprit parla du fond des abîmes de mon âme, quand, sous ces voûtes obscures et dans le silence de la nuit, je chuchotai dans l’oreille du saint homme les syllabes « Morella » ? Quel être, plus que démon, convulsa les traits de mon enfant et les couvrit des teintes de la mort, quand, tressaillant à ce nom à peine perceptible, elle tourna ses yeux limpides du sol vers le ciel, et, tombant prosternée sur les dalles noires de notre caveau de famille, répondit : Me voilà !

Ces simples mots tombèrent distincts, froidement, tranquillement distincts, dans mon oreille, et, de là, comme du plomb fondu, roulèrent en sifflant dans ma cervelle. Les années, les années peuvent passer, mais le souvenir de cet instant, — jamais ! Ah ! les fleurs et la vigne n’étaient pas choses inconnues pour moi ; — mais l’aconit et le cyprès m’ombragèrent nuit et jour.