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vant nous. Ils se rallièrent, combattirent comme des enragés, et firent une nouvelle retraite. Cependant, nous avions été emportés loin du kiosque, et nous étions perdus et embarrassés dans des rues étroites, étouffées par de hautes maisons, dans le fond desquelles le soleil n’avait jamais envoyé sa lumière. La populace se pressait impétueusement sur nous, nous harcelait avec ses lances, et nous accablait de ses volées de flèches. Ces dernières étaient remarquables et ressemblaient en quelque sorte au kriss tortillé des Malais ; ― imitant le mouvement d’un serpent qui rampe, ― longues et noires, avec une pointe empoisonnée. L’une d’elles me frappa à la tempe droite. Je pirouettai, je tombai. Un mal instantané et terrible s’empara de moi. Je m’agitai, ― je m’efforçai de respirer, ― je mourus.

— Vous ne vous obstinerez plus sans doute, dis-je en souriant, à croire que toute votre aventure n’est pas un rêve ? Êtes-vous décidé à soutenir que vous êtes mort ?

Quand j’eus prononcé ces mots, je m’attendais à quelque heureuse saillie de Bedloe, en manière de réplique ; mais, à mon grand étonnement, il hésita, trembla, devint terriblement pâle, et garda le silence. Je levai les yeux sur Templeton. Il se tenait droit et roide sur sa chaise ; ― ses dents claquaient, et ses yeux s’élançaient de leurs orbites.

— Continuez, dit-il enfin à Bedloe d’une voix rauque.