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vers l’arrière, j’attendis sans trembler la catastrophe qui devait nous écraser. Notre propre navire, à la longue, ne luttait plus contre la mer et plongeait de l’avant. Le choc de la masse précipitée le frappa conséquemment dans cette partie de la charpente qui était déjà sous l’eau, et eut pour résultat inévitable de me lancer dans le gréement de l’étranger.

Comme je tombais, ce navire se souleva dans un temps d’arrêt, puis vira de bord ; et c’est, je présume, à la confusion qui s’ensuivit que je dus d’échapper à l’attention de l’équipage. Je n’eus pas grand’peine à me frayer un chemin, sans être vu, jusqu’à la principale écoutille, qui était en partie ouverte, et je trouvai bientôt une occasion propice pour me cacher dans la cale. Pourquoi fis-je ainsi ? je ne saurais trop le dire. Ce qui m’induisit à me cacher fut peut-être un sentiment vague de terreur qui s’était emparé tout d’abord de mon esprit à l’aspect des nouveaux navigateurs. Je ne me souciais pas de me confier à une race de gens qui, d’après le coup d’œil sommaire que j’avais jeté sur eux, m’avaient offert le caractère d’une indéfinissable étrangeté, et tant de motifs de doute et d’appréhension. C’est pourquoi je jugeai à propos de m’arranger une cachette dans la cale. J’enlevai une partie du faux bordage, de manière à me ménager une retraite commode entre les énormes membrures du navire.

J’avais à peine achevé ma besogne, qu’un bruit de pas dans la cale me contraignit d’en faire usage. Un homme passa à côté de ma cachette d’un pas faible et