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tence pour la philosophie physique a, je le crains, imprégné mon esprit d’un des défauts les plus communs de ce siècle, — je veux dire de l’habitude de rapporter aux principes de cette science les circonstances même les moins susceptibles d’un pareil rapport. Par-dessus tout, personne n’était moins exposé que moi à se laisser entraîner hors de la sévère juridiction de la vérité par les feux follets de la superstition. J’ai jugé à propos de donner ce préambule, dans la crainte que l’incroyable récit que j’ai à faire ne soit considéré plutôt comme la frénésie d’une imagination indigeste que comme l’expérience positive d’un esprit pour lequel les rêveries de l’imagination ont été lettre morte et nullité.

Après plusieurs années dépensées dans un lointain voyage, je m’embarquai, en 18…, à Batavia, dans la riche et populeuse île de Java, pour une promenade dans l’archipel des îles de la Sonde. Je me mis en route comme passager, — n’ayant pas d’autre mobile qu’une nerveuse instabilité qui me hantait comme un mauvais esprit.

Notre bâtiment était un bateau d’environ quatre cents tonneaux, doublé en cuivre et construit à Bombay, en teck de Malabar. Il était chargé de coton, de laine et d’huile des Laquedives. Nous avions aussi à bord du filin de cocotier, du sucre de palmier, de l’huile de beurre bouilli, des noix de coco, et quelques caisses d’opium. L’arrimage avait été mal fait, et le navire conséquemment donnait de la bande.