Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à une tempête sans accalmie, avait trouvé des moyens nouveaux, des procédés inconnus pour étonner l’imagination, pour séduire les esprits assoiffés de Beau, venait de mourir en quelques heures dans un lit d’hôpital, — quelle destinée ! Et tant de grandeur et tant de malheur, pour soulever un tourbillon de phraséologie bourgeoise pour devenir la pâture et le thème des journalistes vertueux !


Ut declamatio fias !


Ces spectacles ne sont pas nouveaux ; il est rare qu’une sépulture fraîche et illustre ne soit pas un rendez-vous de scandales. D’ailleurs, la société n’aime pas ces enragés malheureux, et, soit qu’ils troublent ses fêtes, soit qu’elle les considère naïvement comme des remords, elle a incontestablement raison. Qui ne se rappelle les déclamations parisiennes lors de la mort de Balzac, qui cependant mourut correctement ? — Et plus récemment encore, — il y a aujourd’hui, 26 janvier, juste un an, — quand un écrivain d’une honnêteté admirable, d’une haute intelligence, et qui fut toujours lucide, alla discrètement, sans déranger personne, — si discrètement que sa discrétion ressemblait à du mépris, — délier son âme dans la rue la plus noire qu’il put trouver, — quelles dégoûtantes homélies ! — quel assassinat raffiné ! Un journaliste célèbre, à qui Jésus n’enseignera jamais les manières généreuses, trouva l’aventure assez joviale pour la célébrer en un gros calembour. — Parmi l’énumération nombreuse des droits de l’homme que la sagesse du xixe siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s’en aller. Mais la société regarde celui qui s’en va comme un insolent ; elle châtierait volontiers certaines