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la boucle par-dessus la nacelle et à l’accrocher, comme je l’avais espéré, dans le rebord circulaire de l’osier.

Mon corps faisait alors avec la paroi de la nacelle un angle de quarante-cinq degrés environ ; mais il ne faut pas entendre que je fusse à quarante-cinq degrés au-dessous de la perpendiculaire ; bien loin de là, j’étais toujours placé dans un plan presque parallèle au niveau de l’horizon ; car la nouvelle position que j’avais conquise avait eu pour effet de chasser d’autant le fond de la nacelle, et conséquemment ma position était des plus périlleuses.

Mais qu’on suppose que, dans le principe, lorsque je tombai de la nacelle, je fusse tombé la face tournée vers le ballon au lieu de l’avoir tournée du côté opposé, comme elle était maintenant, — ou, en second lieu, que la corde par laquelle j’étais accroché eût pendu par hasard du rebord supérieur, au lieu de passer par une crevasse du fond, — on concevra facilement que, dans ces deux hypothèses, il m’eût été impossible d’accomplir un pareil miracle, — et les présentes révélations eussent été entièrement perdues pour la postérité. J’avais donc toutes les raisons de bénir le hasard ; mais, en somme, j’étais tellement stupéfié, que je me sentais incapable de rien faire, et que je restai suspendu, pendant un quart d’heure peut-être, dans cette extraordinaire situation, sans tenter de nouveau le plus léger effort, perdu dans un singulier calme et dans une béatitude idiote. Mais cette disposition de mon être s’évanouit bien vite et fit place à un sentiment