Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la cheville, et continua ainsi à le dérouler dans la direction donnée par ces deux points, — la cheville et le tronc, — jusqu’à la distance de cinquante pieds. Pendant ce temps, Jupiter nettoyait les ronces avec la faux. Au point ainsi trouvé, il enfonça une seconde cheville, qu’il prit comme centre, et autour duquel il décrivit grossièrement un cercle de quatre pieds de diamètre environ. Il s’empara alors d’une bêche, en donna une à Jupiter, une à moi, et nous pria de creuser aussi vivement que possible.

Pour parler franchement, je n’avais jamais eu beaucoup de goût pour un pareil amusement, et, dans le cas présent, je m’en serais bien volontiers passé ; car la nuit s’avançait, et je me sentais passablement fatigué de l’exercice que j’avais déjà pris ; mais je ne voyais aucun moyen de m’y soustraire, et je tremblais de troubler par un refus la prodigieuse sérénité de mon pauvre ami. Si j’avais pu compter sur l’aide de Jupiter, je n’aurais pas hésité à ramener par la force notre fou chez lui ; mais je connaissais trop bien le caractère du vieux nègre pour espérer son assistance, dans le cas d’une lutte personnelle avec son maître et dans n’importe quelle circonstance. Je ne doutais pas que Legrand n’eût le cerveau infecté de quelqu’une des innombrables superstitions du Sud relatives aux trésors enfouis, et que cette imagination n’eût été confirmée par la trouvaille du scarabée, ou peut-être même par l’obstination de Jupiter à soutenir que c’était un scarabée d’or véritable. Un esprit tourné à la folie pouvait