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camarade. — Il se fait tard, et puis souvenez-vous de votre promesse.

— Jupiter, criait-il, sans m’écouter le moins du monde, m’entends-tu ?

— Oui, massa Will, je vous entends parfaitement.

— Entame donc le bois avec ton couteau, et dis-moi si tu le trouves bien pourri.

— Pourri, massa, assez pourri, répliqua bientôt le nègre, mais pas aussi pourri qu’il pourrait l’être. Je pourrais m’aventurer un peu plus sur la branche, mais moi seul.

— Toi seul ! — qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je veux parler du scarabée. Il est bien lourd, le scarabée. Si je le lâchais d’abord, la branche porterait bien, sans casser, le poids d’un nègre tout seul.

— Infernal coquin ! cria Legrand, qui avait l’air fort soulagé, quelles sottises me chantes-tu là ? Si tu laisses tomber l’insecte, je te tords le cou. Fais-y attention, Jupiter ; — tu m’entends, n’est-ce pas ?

— Oui, massa, ce n’est pas la peine de traiter comme ça un pauvre nègre.

— Eh bien, écoute-moi, maintenant ! — Si tu te hasardes sur la branche aussi loin que tu pourras le faire sans danger et sans lâcher le scarabée, je te ferai cadeau d’un dollar d’argent aussitôt que tu seras descendu.

— J’y vais, massa Will, — m’y voilà, répliqua lestement le nègre, je suis presque au bout.

— Au bout ! cria Legrand, très-radouci. Veux-tu dire que tu es au bout de cette branche ?