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lement en elle-même, dépasse absolument les forces de l’imagination humaine. Si je me propose de mesurer l’influence d’un seul atome sur l’atome son voisin dans un rayon solaire, je ne puis pas accomplir mon dessein sans d’abord compter et peser tous les atomes de l’Univers et définir la position précise de chacun à un moment particulier de la durée. Si je m’avise de déplacer, ne fût-ce que de la trillionième partie d’un pouce, le grain microscopique de poussière posé maintenant sur le bout de mon doigt, quel est le caractère de l’action que j’ai eu la hardiesse de commettre ? J’ai accompli un acte qui ébranle la Lune dans sa marche, qui contraint le Soleil à n’être plus le soleil, et qui altère pour toujours la destinée des innombrables myriades d’étoiles qui roulent et flamboient devant la majesté de leur Créateur.

De telles idées, de telles conceptions, — pensées monstrueuses qui ne sont plus des pensées, rêveries de l’âme plutôt que raisonnements ou même considérations de l’intellect, — de telles idées, je le répète, sont les seules que nous puissions réussir à