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dès qu’il lui reste l’amour inébranlable d’une femme[1].

  1. Nous extrayons des Marginalia de Poe un passage qui complètera l’idée qu’il ne fait qu’indiquer ici, et où la poétique amoureuse de Byron jeune est admirablement caractérisée :

    « Les anges, » dit madame Dudevant, une femme qui sème une foule d’admirables sentiments à travers un chaos des plus déhontées et des plus attaquables fictions, « les anges ne sont pas plus purs que le cœur d’un jeune homme qui aime la vérité. » Cette hyperbole n’est pas très loin de la vérité. Ce serait la vérité même, si elle s’appliquait à l’amour fervent d’un jeune homme qui serait en même temps un poète. L’amour d’un poète est sans contredit un des sentiments humains qui réalise de plus près nos rêves de chastes voluptés célestes.

    » Dans toues les allusions de l’auteur de Childe-Harold à sa passion pour Mary Chaworth, circule un souffle de tendresse et de pureté presque spirituelle, qui contraste violemment avec la grossièreté terrestre qui pénètre et défigure ses poèmes d’amour ordinaires. Le Rêve, où se trouvent retracés ou au moins figurés les incidents de sa séparation d’avec elle au moment de son départ pour ses voyages, n’a jamais été surpassé (jamais du moins par lui-même) en ferveur, en délicatesse, en sincérité, mêlées à quelque chose d’éthéré, qui l’élève et l’ennoblit. C’est ce qui permet de douter qu’il ait jamais rien écrit d’aussi moins universellement populaire. Nous avons quelque raison de croire que son attachement pour cette Mary (nom qui semble avoir eu pour lui un enchantement particulier) fut sérieux et durable. Il y a de ce fait cent preuves évidentes disséminées dans ses poèmes et ses lettres, ainsi que dans les mémoires de ses amis et de ses contemporains. Mais le sérieux et la durée de cet amour ne vont pas du tout à l’encontre de cette opinion que cette passion (si on peut lui donner proprement ce nom) offrit un caractère éminemment romantique, vague et imaginatif. Née du moment, de ce besoin d’aimer que ressent la jeunesse,