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cri de ces grandes agonies. Les voir, c’est plus que je ne puis supporter. Lève-toi ! Viens avec moi dans la nuit extérieure, et laisse-moi te dévoiler les tombes. N’est-ce pas un spectacle lamentable ? — Regarde. »

Je regardai ; et la figure invisible, tout en me tenant toujours par le poignet, avait fait ouvrir au grand large les tombes de l’humanité, et de chacune d’elles sortit une faible phosphorescence de décomposition, qui me permit de pénétrer du regard les retraites les plus secrètes, et de contempler les corps enveloppés de leur linceul, dans leur triste et solennel sommeil en compagnie des vers ! Mais hélas ! ceux qui dormaient d’un vrai sommeil étaient des millions de fois moins nombreux que ceux qui ne dormaient pas du tout. Il se produisit un léger remuement, puis une douloureuse et générale agitation ; et des profondeurs des fosses sans nombre il venait un mélancolique froissement de suaires ; et parmi ceux qui semblaient reposer tranquillement, je vis qu’un grand nombre avaient plus ou moins modifié la rigide et incommode position dans laquelle ils avaient été cloués