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d’un regard qui ne vous arrive jamais de travers, et qui semble dire : « J’ai la conscience tranquille, je n’ai peur de personne et suis incapable de commettre une bassesse. » C’est pour cela qu’au théâtre tous les oncles d’Amérique, tous les gros sans-souci s’appellent Charles.

Donc notre vieux Charly, bien qu’il n’habitât guère Rattlebourg depuis plus de six mois et que personne ne connût ses antécédents, n’avait eu aucune peine à se lier avec les gens les plus respectables de la ville. Il n’y avait pas un seul Rattlebourgeois qui ne lui eût avancé un billet de cinq cents sans autre garantie qu’une promesse verbale de remboursement. Quant aux femmes, je ne sais pas ce qu’elles n’auraient pas fait pour l’obliger. Et tout cela, parce que son parrain avait eu la bonne idée de lui donner le nom de Charles et parce qu’il possédait, en conséquence, un de ces visages ingénus que lord Chesterfield nous donne pour la meilleure des lettres de recommandation.

J’ai dit que le respectable M. Shuttleworthy était le plus riche des Rattlebourgeois. Il vivait avec Charly Bonenfant sur un pied d’intimité fraternelle. Les deux vieux gentlemen demeuraient porte à porte, et bien que M. Shuttleworthy visitât rarement son voisin et n’eût jamais mangé une