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qu’à ce que ses bords reposassent sur les cimes des montagnes, transformant les pénombres en splendeurs, nous renfermant, comme pour toujours, dans une vaste, glorieuse et magique prison.

La beauté d’Éléonore égalait celle des séraphins ; elle n’était pourtant qu’une jeune fille sans art, aussi innocente que la courte existence qu’elle avait passée au milieu des fleurs. Elle ne s’avisa d’aucune ruse pour déguiser la ferveur de l’amour qui l’animait et elle examina avec moi les plus secrets recoins de son cœur, tandis que nous parcourions ensemble la Vallée-aux-Herbes-Multicolores, nous entretenant des grandes transformations qui s’y étaient opérées depuis peu.

Enfin, un jour, elle me parla, les yeux tout remplis de larmes, de la dernière et triste transformation qui attend l’humanité. À dater de ce moment, elle s’entretint sans cesse de ce sujet lugubre, dont elle entrelaça toutes ses conversations ; — c’est ainsi que, dans les chansons du barde de Schiraz, la même image se représente constamment avec mille variations.

Elle savait le doigt de la Mort posé sur son sein ; elle savait que, comme l’éphémère, elle n’avait atteint la beauté parfaite que pour mourir aussitôt ; mais pour elle les terreurs de la tombe se résumaient en une seule crainte qu’elle me ré-