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ou bien, si le doute devient impossible, soyez l’Œdipe de cette énigme.

J’ai perdu ma mère de bonne heure ; elle avait une sœur, — une seule ; — celle que j’ai aimée dans ma jeunesse, et dont ma plume retrace aujourd’hui le souvenir avec calme et clarté, était la fille unique de cette sœur. Ma cousine se nommait Éléonore. Nous avons grandi ensemble, sous un soleil tropical, dans la Vallée-aux-Herbes-Multicolores. Personne ne pénétra jamais sans guide dans cette vallée lointaine, située au milieu d’une chaîne de montagnes gigantesques qui l’entouraient, sourcilleuses, de tous les côtés et en garantissaient les douces retraites contre la lumière du soleil. Dans le voisinage, pas un seul sentier battu ; pour gagner notre heureuse demeure, il fallait repousser, avec force, le feuillage de bien des milliers d’arbres et fouler aux pieds la beauté de bien des millions de fleurs odorantes. Voilà pourquoi nous vivions seuls, ne connaissant rien du monde en dehors de la vallée, — moi, ma cousine et sa mère.

Une rivière, profonde et peu large, se glissait hors de l’ombre où restaient plongées les régions situées au delà des montagnes, à l’extrémité supérieure de notre domaine si bien abrité. Elle brillait plus que quoi que ce soit au monde, sauf les yeux